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Avec Le Drian à Beyrouth, Paris tente de sauver les meubles sur le dossier libanais

Emmanuel Macron a nommé son ancien ministre des Affaires étrangères «envoyé spécial pour le Liban». Entre sanctions, déplacements et gesticulations, le président français et Jean-Yves Le Drian se sont personnellement engagés sur le dossier libanais.

Prédestiné à prendre la place de Jack Lang à la tête de l’Institut du monde arabe, Jean-Yves Le Drian a finalement été dépêché par Emmanuel Macron le 7 juin comme «envoyé spécial pour le Liban». 

L’ancien chef de la diplomatie française a du pain sur la planche au pays du Cèdre. Il doit «faciliter une solution qui soit à la fois consensuelle et efficace», selon les termes d’un conseiller de l’Elysée rapportés par l’AFP. En effet, le Liban est sans président depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre dernier, soit plus de sept mois. Le Parlement libanais s’est déjà réuni 11 fois pour élire un nouveau chef d’Etat. Mais, compte tenu des blocages persistants, aucun candidat n’a obtenu la majorité des deux tiers avec 86 voix. 

Soutien de Paris à un candidat pro-Hezbollah ?

Dernièrement, la France a été critiquée par le camp du 14-Mars, jugé pro-Occident. Samir Geagea a en effet accusé Paris ni plus ni moins de soutenir le candidat du Hezbollah Sleiman Frangié. «La France mène une bataille pour faire parvenir Sleiman Frangié à la tête de l’Etat parce qu’elle a des intérêts communs avec le Hezbollah, notamment concernant les ports de Beyrouth et de Tripoli et dans d’autres affaires», a tonné le leader des Forces libanaises en avril dernier. Le Quai d’Orsay a démenti dans la foulée les accusations de l’ancien milicien Geagea. 

A gauche, Rami Adwan, ambassadeur libanais en France, avec Gebran Bassil, ancien chef de la diplomatie libanaise, en 2017 lors d'une conférence de presse (image d'illustration).

La France va demander la levée de l’immunité diplomatique de l’ambassadeur libanais, accusé de viol

La nomination de Jean-Yves Le Drian n’est pas une surprise pour autant. A la tête de la diplomatie française, il s’est investi personnellement avec le président dans la question libanaise. On se souvient notamment du très médiatisé déplacement d’Emmanuel Macron le 6 août 2020, deux jours après la terrible explosion du port de Beyrouth. Serrant des mains et chemise entrouverte, le chef d’Etat français semble avoir réussi un joli coup de com’. Après les photos et les caméras, le président sermonne la classe politique libanaise dans son ensemble pour son immobilisme et l’absence de réforme structurelle. Un mois plus tard, s’entretenant avec la mythique chanteuse libanaise Fayrouz, il exige la formation d’un gouvernement et laisse 15 jours à Beyrouth pour s’y atteler. 

Pourtant, malgré les remontrances et un ton plus paternaliste, Macron se casse les dents sur les vieux dinosaures de la vie politique libanaise. Fin septembre 2020, il incrimine ouvertement le Hezbollah d’être responsable des blocages. En octobre de la même année, Saad Hariri revient aux commandes du gouvernement alors qu’il a été évincé par la vindicte populaire un an auparavant. Ce choix de l’ex plaît néanmoins à Paris, qui juge que le clan Hariri est un allié pour ses intérêts dans la région. 

La politique erratique de Macron sur le dossier libanais

Mais la situation va de mal en pis au Liban. La France, pour éviter de perdre son ancien pré-carré au Proche-Orient, change de ton et agite le torchon des sanctions contre certains dirigeants libanais. Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian restreint le territoire français à plusieurs politiques en avril 2021. Avec ces mesures coercitives, Paris emboîte le pas de Washington, qui a gelé les avoirs de responsables proches du Hezbollah.

Le Liban est en définitive une longue et lente agonie pour la diplomatie française. Oui, la France reste influente et reçoit de nombreux dirigeants libanais à l’Elysée et joue un rôle non négligeable dans les forums internationaux pour venir en aide au pays du Cèdre, mais sa politique est aujourd’hui erratique. Un jour, Paris parle au Hezbollah, le lendemain, il le condamne. Un jour, il sanctionne Gebran Bassil, chef chrétien du Courant patriotique libre, le lendemain, il le reçoit en France. 

Le Liban est une création mandataire de 1920 ou la France avait une réelle influence au Moyen-Orient en misant sur la communauté majoritaire maronite de l’époque. Aujourd’hui, le gouvernement français n’a plus les moyens de ses ambitions. Le sort du pays du Cèdre se joue davantage à Riyad, Téhéran, voire Ankara et Doha, qu’à Paris. 

La nomination de Jean-Yves Le Drian comme «envoyé spécial pour le Liban» reste incertaine. Première échéance pour juger ses résultats le 14 juin prochain, avec la nouvelle session parlementaire pour élire un candidat. 

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