L'Assemblée nationale française a rejeté le 11 décembre un projet de loi controversé sur l'immigration visant à contrôler les flux et à améliorer l'intégration, infligeant une très lourde défaite politique au gouvernement.
La motion de rejet préalable au projet de loi, défendue par le groupe écologiste, a été approuvée ce 11 décembre par 270 voix contre 265, réunissant les voix de toutes les oppositions. Son adoption entraîne l’interruption de l’examen du texte avant même que ne soient abordés les articles au fond.
La gauche et l’extrême-droite ont salué debout dans l’hémicycle l’adoption de la motion de rejet, des députés de gauche appelant à la démission du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Ce rejet est un camouflet pour ce dernier, qui a fait le pari de trouver un chemin, notamment avec la droite, pour faire passer son texte à l’Assemblée nationale, après son adoption au Sénat dans une version fortement durcie.
«Qui a peur du débat? Ceux qui vont, dans une alliance contre nature, se mettre d’accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer», avait ainsi lancé le ministre en ouverture des débats ce 11 décembre, espérant ainsi mettre la pression sur l’opposition pour empêcher le vote de la motion.
«Ça sent le bout du chemin pour sa loi et donc pour lui», a asséné à l’issue du vote le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, sur X (ex-Twitter).
«Le désaveu qui vient de s’exprimer ce soir est extrêmement puissant», a réagi la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, estimant avoir ainsi «protégé les Français d’un appel d’air migratoire».
Si le soutien de la gauche – qui dénonçait une loi «indigne» – à la motion de rejet était acquis, le principal parti de droite, Les Républicains (LR), et le Rassemblement national (RN), réclamant au contraire des mesures plus dures, ont fait planer le suspense tout au long de la journée.
«Votre gouvernement a laissé piétiner en commission le texte de fermeté du Sénat», a lancé au ministre le patron du groupe LR Olivier Marleix.
Au Parti socialiste, le premier secrétaire Olivier Faure a estimé que Gérald Darmanin était «désavoué» et devait en «tirer les conclusions».
Sujet inflammable
La France compte 5,1 millions d’étrangers en situation régulière, soit 7,6% de la population. Elle accueille plus d’un demi-million de réfugiés. Les autorités estiment qu’il y aurait de 600 000 à 700 000 clandestins.
Après maints remaniements et allers-retours entre les deux chambres du Parlement, le volet répressif du projet de loi a largement pris le dessus, de l’avis de nombreux observateurs, en facilitant notamment l’expulsion d’étrangers jugés dangereux, une demande forte à droite mais aussi dans l’opinion.
Selon un récent sondage, deux tiers des Français pensent que l’immigration extra-européenne peut être un danger pour la France.
Pour tempérer ce tour de vis sécuritaire, l’exécutif avait dans le même temps promis de faciliter la régularisation des clandestins employés dans des métiers «en tension», où la main d’œuvre est difficile à trouver, un thème cher à la gauche et à une large partie du camp présidentiel.
L’aide médicale d’Etat (AME) – qui couvre à 100% les frais de santé des sans-papiers présents sur le sol français depuis au moins trois mois, que le Sénat avait remplacée par une aide médicale d’urgence, devait aussi être rétablie.
Une réunion de crise du camp présidentiel a été convoquée dans la foulée à l’Assemblée selon une source ministérielle, pour décider de la marche à suivre.
Le gouvernement, qui espérait ne pas avoir besoin de recourir à l’article 49-3 de la Constitution, permettant de passer un texte en force, peut choisir désormais de le laisser poursuivre son parcours législatif au Sénat ou en commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, ou décider de l’abandonner.
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