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Campagnes de désinformation : des «accusations infondées», selon l’ambassade de Russie

L’ambassade de Russie en France rejette les accusations d’ingérence de la ministre des Affaires étrangères. Catherine Colonna s’appuie sur un rapport de Viginum, qui aurait dévoilé une opération de désinformation impliquant «des acteurs russes».

«Perplexité et déception» : l’ambassade de la Fédération de Russie en France a fait savoir sur son canal Telegram sa position sur la déclaration de Catherine Colonna du 13 juin. La ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a évoqué «l’existence d’une campagne numérique de manipulation de l’information contre la France impliquant des acteurs russes et à laquelle des entités étatiques ou affiliées à l’Etat russe ont participé en amplifiant de fausses informations».

Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, le 10 mai 2023.

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«Qu’il suffise de dire que la base de ces allégations est le rapport de l’Agence nationale de lutte contre les influences numériques étrangères (Viginum), qui revendique la participation à une campagne de désinformation de nos missions diplomatiques et centres culturels à l’étranger, dont l’ambassade de Russie à Paris», poursuit le communiqué de la diplomatie russe.

En effet, c’est bien Viginum qui a produit un rapport pointant indirectement du doigt la Russie dans une vaste campagne de désinformation. C’est la première fois depuis sa création en 2021 que cette agence dirigée par Gabriel Ferriol nomme un pays. L’organisme qui dépend du Quai d’Orsay et du secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dénonce dans ce rapport du 13 juin «une campagne numérique de manipulation de l’information ayant visé plusieurs États européens depuis septembre 2022, dont la France.»

«Viginum, dans le cadre de son investigation en sources ouvertes, a par ailleurs pu identifier l’implication d’individus russes ou russophones ainsi que de plusieurs sociétés russes», détaille encore l’organisme dans son rapport.

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Catherine Colonna a dénoncé «l’implication d’ambassades et de centres culturels russes qui ont activement participé à l’amplification de cette campagne». Elle s’appuie sur le document produit par Viginum, qui affirme avoir «également observé que plusieurs entités étatiques ou affiliées à l’État russe avaient participé à la diffusion de certains contenus». Cette déclaration «ne constitue pas une attribution» aux autorités russes, a toutefois cru bon d’ajouter le Quai d’Orsay.

Visant à «discréditer le soutien occidental à l’Ukraine», affirme encore l’agence dépendant de la SGDSN, cette campagne aurait comme acteur central le média Reliable Recent News (RNN), d’après lequel l’affaire est baptisée dans le rapport. Selon ce dernier, RNN et une galaxie de faux comptes sur les réseaux sociaux propageraient des «narratifs inauthentiques, reprenant quatre thèmes principaux, visant à désolidariser la société civile des instances gouvernantes :

  • L’inefficacité supposée des sanctions visant la Russie, qui pèseraient avant tout sur les États européens et/ou leurs citoyens ;
  • La prétendue russophobie des États occidentaux ;
  • La barbarie dont feraient preuve les forces armées ukrainiennes, ainsi que l’idéologie néonazie qui prédominerait chez les dirigeants ukrainiens ;
  • Les effets négatifs qu’entraînerait l’accueil de réfugiés ukrainiens pour les États européens.

L’opération qu’analyse Vigininum serait en réalité «la seconde phase d’une campagne déjà connue, mais avec des modes d’action plus sophistiqués», a expliqué à l’AFP une source sécuritaire impliquée dans le dossier.

Sites-miroirs et faux comptes de réseaux sociaux

Cette source désigne une action que Meta, propriétaire de Facebook, avait désignée en 2022 sous le nom d’opération «Doppelgänger», terme folklorique désignant le sosie, mais aussi le double maléfique d’une personne. Le géant du numérique affirmait alors avoir démantelé une opération «d’influence secrète» mettant en cause deux entreprises russes : ASP et Struktura.

Elle comprenait la création de «sites-miroirs», reprenant très exactement la charte graphique et rédactionnelle de sites de médias réputés (Le Parisien, Le Figaro, Le Monde et 20 minutes pour la France, Der Spiegel, Bild, Die Welt en Allemagne, etc.), pour diffuser de fausses informations. Ces faux sites ne diffèrent la plupart du temps des originaux que par la terminaison du nom de domaine, tels que .com au lieu de .fr ou par une faute d’orthographe intentionnelle dans le nom de domaine. En tout, 355 d’entre eux auraient ainsi été enregistrés, selon Viginum, usurpant l’identité de médias en France et dans neuf Etats d’Europe, d’Amérique et du Moyen-Orient. Cette technique, dite de «typosquatting» avait aussi visé des organismes officiels, dont récemment «celui du ministère des Affaires étrangères», a précisé la porte-parole du Quai d’Orsay le 13 juin, ce qui aurait poussé les autorités françaises à dévoiler l’affaire au grand public.

Le rapport de l’agence dirigée par Gabriel Ferriol pointe parmi les moyens employés l’utilisation de caricatures dénigrant notamment les dirigeants ukrainiens, un point sur lequel l’ambassade de Russie en France a rebondi dans son communiqué : «Il est très significatif qu’à l’appui de leurs accusations infondées contre nous, les Français n’aient rien trouvé de plus convaincant que la publication par l’ambassade sur Twitter le 23 mars 2022 de caricatures satiriques.»

Le Conseil de l’Europe critique ouvertement l’article 49.3

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