A la veille des élections parlementaires prévues à la mi-octobre, le président polonais a profité de sa venue à l'ONU pour défendre les intérêts de ses agriculteurs, contre les demandes de libre-échange de Kiev.
«L’Ukraine est comme un homme qui se noie et s’accroche à tout ce qu’il peut mais nous, tout en l’aidant, avons le droit d’éviter de subir un préjudice» a déclaré le président polonais Andrzej Duda le 19 septembre à la chaîne de télévision américaine Bloomberg, après son intervention à la session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
«Naturellement, nous devons agir en nous protégeant, compte tenu du fait que si nous-mêmes nous noyons, nous ne pourrons plus porter secours», a en outre souligné le dirigeant polonais, avant de conclure que la Pologne «devait défendre ses intérêts», ce qu’elle ferait «avec efficacité et détermination».
Volodymyr Zelensky a quant à lui tancé à la tribune de l’ONU ce 20 septembre «certains pays» qui «feignent la solidarité [à l’égard de l’Ukraine] en soutenant indirectement la Russie».
Les céréales de la discorde
Ces déclarations s’inscrivent dans le cadre du différend opposant Varsovie à Kiev au sujet de l’importation des céréales ukrainiennes. Pour rappel, la Commission européenne avait supprimé en juin 2022 les taxes sur les céréales ukrainiennes pour soutenir les agriculteurs, ce qui avait occasionné des plaintes de plusieurs pays d’Europe de l’Est pour concurrence déloyale.
Par la suite, le 2 juin 2023, la Commission européenne avait accordé aux pays requérants, à savoir la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie, l’interdiction d’importation jusqu’au 15 septembre de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens pour protéger leurs producteurs. Malgré la levée des restrictions par la Commission de Bruxelles, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie se sont empressées de mettre en place une interdiction unilatérale.
Dernier épisode en date : suite à la plainte à l’OMC de l’Ukraine le 18 septembre contre ces trois premiers pays pour, selon la ministre ukrainienne de l’Economie, «établir que des Etats membres ne peuvent pas interdire à titre individuel l’importation de biens ukrainiens», l’ambassadeur d’Ukraine en Pologne Vassili Zvarych a été convoqué au ministère des Affaires étrangères.
Les élections en ligne de mire
Ces tensions mettent à l’épreuve la relation entre Varsovie et Kiev, alors que la Pologne s’est affichée dès le début du conflit comme l’un des principaux soutiens de l’Ukraine, en lui apportant une importante aide militaire et en accueillant plus d’un million de réfugiés qui ont bénéficié d’aides de l’Etat.
Ce 20 septembre, le président du Conseil des ministres, Mateusz Morawiecki, a déclaré à Polsat News que [son gouvernement] «avait été [le] premier à faire beaucoup pour l’Ukraine et c’est pourquoi nous nous attendons à ce qu’ils comprennent nos intérêts». Dans le cas contraire, il a menacé Kiev d’«allonger la liste des produits ukrainiens faisant l’objet d’un blocus par la Pologne».
Moscou (presque) sur la ligne de Varsovie
Une fois n’est pas coutume, la Russie, par la voix de Maria Zakharova, s’est ralliée le 20 septembre sur Telegram à la position de Varsovie, «à une petite mais cruciale précision près» : «Kiev a été plus d’une fois envoyé “par le fond” par Varsovie, qui s’est fait régulièrement le complice des changements de régime dans ce pays», concluant qu’«avec de tels sauveteurs, celui qui se noie n’était pas sorti d’affaire».
La question est particulièrement sensible en Pologne, où des élections parlementaires auront lieu le 15 octobre, l’actuel gouvernement de droite souverainiste bénéficiant d’un soutien important dans les régions agricoles.
«Il serait bien que Kiev commence à être reconnaissant» : les céréales d’Ukraine irritent Varsovie