Decathlon a à son tour suspendu ses activités en Russie en raison des problèmes d'approvisionnement provoqués par les sanctions économiques. Bien que saluée par la CFTC, la décision met en jeu l'emploi de 2 500 salariés dans 60 magasins.
Decathlon a annoncé le 29 mars la suspension de son activité en Russie, évoquant des problèmes d’approvisionnement, mais les deux autres enseignes de la galaxie Mulliez, Leroy Merlin et Auchan, poursuivent leur activité en Russie malgré les critiques.
Un communiqué de Decathlon a en effet déclaré : «Les conditions d’approvisionnement ne sont plus réunies» pour que l’enseigne continue ses activités en Russie, en conséquence de quoi elle se dit «amenée à suspendre l’exploitation de ses magasins» dans le pays.
La décision avait filtré alors que quatre militants écologistes protestaient le 29 mars devant le siège de Decathlon à Villeneuve-d’Ascq (Nord) contre le maintien des enseignes Mulliez en Russie. Une employée à qui ils tendaient un tract leur avait indiqué qu’un courriel interne annonçant la suspension venait d’être envoyé au personnel. Dans ce message, Decathlon précisait être «dans l’incapacité de maintenir 92% de [son] approvisionnement» en Russie du fait des «sanctions internationales».
La CFTC, première organisation syndicale chez Decathlon, trouve «dommage qu’il ait fallu attendre ce problème de logistique pour prendre cette décision», a réagi auprès de l’AFP le délégué syndical central, Grégory Labrousse. «Notre syndicat défend des valeurs humaines, il ne se retrouvait pas trop dans la position du groupe, où le financier était primordial par rapport à l’humain».
2 500 emplois et 60 magasins en jeu en Russie
Decathlon est présent en Russie depuis 2006, où il y compte 60 magasins et un site e-commerce, pour 2 500 salariés. Grégory Labrousse, de la CFTC, s’est d’ailleurs interrogé auprès de l’AFP sur l’accompagnement qui serait apporté à ses collègues russes.
L’enseigne ne donne pas d’indication sur les ventes réalisées dans le pays, mais le nombre de magasins reste limité par rapport aux 1 700 points de vente qu’elle compte dans 70 pays.
Decathlon avait déjà «gelé» son activité en Ukraine, où l’enseigne est présente depuis 2019 avec 4 magasins et 125 collaborateurs, pour «ne pas exposer [ces derniers] à une situation qui ne garantit pas totalement leur sécurité».
Dans son communiqué du 29 mars, l’enseigne souligne avoir mis en place une «cellule de solidarité» basée en Pologne pour centraliser des dons aux ONG locales, pour un montant total de 2,6 millions d’euros et a en outre «constitué un fonds de solidarité» doté d’un million d’euros.
D’autres enseignes se maintiennent en Russie malgré une pluie de critiques
L’annonce survient alors que l’association familiale Mulliez (AFM) et les enseignes qu’elle contrôle et qui sont présentes en Russie, notamment Leroy Merlin et Auchan, sont sous le feu des critiques en raison du maintien de leur activité dans ce pays.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky les a accusés devant le Parlement français d’être «les sponsors de la machine de guerre de la Russie» en tant qu’important contribuable en Russie et son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a appelé au boycottage d’Auchan. «Chaque rouble payé au budget de l’État russe sous forme de taxes aide l’agresseur à s’approvisionner en armement et à tuer davantage d’Ukrainiens», estimaient récemment des salariés de Leroy Merlin Ukraine dans une pétition en ligne, publiée après le bombardement d’un magasin Leroy Merlin en banlieue de Kiev, qui a fait huit morts.
A la suite de ces prises de position, Leroy Merlin et Auchan étaient tour à tour sortis de leur réserve pour justifier le maintien de leur activité en Russie, un marché qui représente pour ces enseignes respectivement 18% et 10% de leurs ventes mondiales. Les deux ont assuré que cela n’était pas la raison de leur décision mais qu’il leur fallait faire preuve de «responsabilité» vis-à-vis de leurs salariés russes (45 000 collaborateurs et 113 magasins pour Leroy Merlin, 30 000 collaborateurs et 232 magasins pour Auchan).
Philippe Zimmermann, directeur général de Leroy Merlin, a en outre estimé auprès du quotidienLa Voix du Nord que fermer boutique serait «considéré comme une faillite préméditée, donnant lieu à des expropriations», ce qui «serait faire un cadeau de l’entreprise et de ses actifs au régime russe, et renforcer la guerre».
Yves Claude, PDG d’Auchan Retail International, a, lui, plaidé dans le Journal du Dimanche que son enseigne pensait «contribuer en période de forte inflation à protéger le pouvoir d’achat des habitants» russes. Il rappelait en outre que l’enseigne continuait d’exercer en Ukraine, dans des conditions «extrêmes».
Le PDG d’Auchan annonce que l’enseigne restera en Russie