Chroniques

Derrière la tournée européenne de Xi Jinping se cache un plan minutieux

Xi Jinping se rend en France, en Serbie et en Hongrie. La Chine tient à maintenir et renforcer sa position à l’intérieur et autour de l’UE et déploie des efforts diplomatiques là où cela en vaut la peine.

Cet article a été initialement publié sur RT International par Timour Fomenko, analyste politique.

 

Le président chinois Xi Jinping est en visite officielle en Europe. Lors de son premier voyage dans l’UE depuis 2019, il s’est rendu en France et en Serbie, avant d’atterrir en Hongrie. 

La visite a lieu à un moment charnière, alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, tente d’orienter les institutions de l’UE contre la Chine en lançant des dizaines d’inspections de produits chinois au cours des dernières semaines. De même, les États-Unis ont intensifié agressivement leur rhétorique, en accusant Pékin de complicité dans le conflit ukrainien afin de saper la crédibilité de Xi Jinping lors de son voyage.

La chine mène des efforts diplomatiques considérables avec l’UE

Malgré le parti pris pro-américain flagrant de von der Leyen, il est tout à fait évident que la loyauté des pays de l’UE fait l’objet d’une bataille d’influence entre Washington et Pékin dans la lutte géopolitique qui couve. Bien qu’en théorie, l’UE soit évidemment alliée des États-Unis, en raison de sa domination dans des institutions telles que l’OTAN, la politique étrangère de la Chine s’est concentrée au fil des ans sur les tentatives d’exercer toute son influence pour empêcher l’UE d’adhérer pleinement à l’objectif de Washington de contenir Pékin, cherchant plutôt à préserver des liens économiques ouverts avec le continent. À cette fin, la Chine a consacré à l’Europe un effort diplomatique considérable, effort qui, à son avis, ne mérite pas d’être déployé à l’égard des États-Unis, ni même du Royaume-Uni.

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L’Europe continentale est un ensemble hétéroclite et, en fonction du statu quo politique, il y a des États qui sont favorables à la Chine et d’autres qui ne le sont pas (comme les pays baltes), c’est pourquoi la Chine estime important de maintenir son bastion de soutien là où elle le peut. En conséquence, Xi a consacré sa visite à trois pays qui sont actuellement favorables à Pékin : la France et la Hongrie au sein de l’UE et la Serbie qui ne fait pas partie du bloc.

Tout d’abord, la France est un État orienté vers l’Occident qui a toujours été célèbre pour sa politique étrangère « franc-tireur » dérivée de sa position d’ancien empire à part entière. Emmanuel Macron, en particulier, a toujours cherché à aller à contre-courant et a continué à dialoguer avec Pékin, se rendant lui-même en Chine l’année dernière.

La France plutôt que l’Allemagne

Traditionnellement, c’est l’Allemagne qui est le grand pays de l’UE le plus enthousiaste à l’égard de la Chine, et cela se voit toujours, par exemple à l’occasion de la visite du chancelier Olaf Scholz à Pékin il y a quelques semaines. Cependant, la politique allemande est devenue un champ de lutte interne au sujet de la Chine : la néoconservatrice verte Annalena Baerbock à la tête du ministère des Affaires étrangères a essayé de saper les liens avec Pékin. Cette tentative a bien sûr rencontré la résistance du lobby industriel allemand, tandis que des think tanks financés par les États-Unis tentent également d’affaiblir les liens de l’Allemagne avec la Chine dans la mesure où ils le peuvent. En conséquence, il n’est pas politiquement opportun pour Xi de se rendre en Allemagne, et il a donc choisi la France, où les opinions semblent plus à l’aise avec son rôle de « franc-tireur ».

La Hongrie occupe une position stratégique en Europe centrale

Sa deuxième destination, la Hongrie dirigée par Viktor Orban, s’est taillé une niche en tant qu’État le plus pro-Pékin de toute l’UE. Orban mène une politique étrangère encore plus indépendante, qui vise également à maintenir des liens sains avec la Russie. Néanmoins, la petite taille du pays signifie qu’il ne peut pas gérer l’agenda de l’ensemble du bloc.

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Malgré cela, Budapest est un partenaire très important pour Pékin car il sert de passerelle aux investissements chinois et à d’autres projets visant à se renforcer sur le continent lorsque les portes des autres pays sont fermées. Par exemple, la construction d’un campus à l’étranger pour l’Université Fudan ou d’une usine chinoise de voitures électriques, ce qui est d’une importance cruciale si la Commission européenne menace d’imposer des tarifs.

En outre, la Hongrie occupe une position stratégique en Europe centrale au-dessus des Balkans où se trouve le point final du corridor économique chinois qui commence par son port du Pirée, en Grèce. Et entre la Grèce et la Hongrie se trouve la Serbie.

Bien que la Serbie ne fasse pas partie de l’UE, c’est un pays d’une importance cruciale dans les Balkans, qui a des relations tendues avec l’Occident en raison de la campagne de bombardements massifs que l’OTAN a menée contre elle dans les années 1990.

La Serbie a besoin de la Russie et de la Chine

Cette nation n’aime pas l’Occident, mais elle n’a pas le pouvoir de se lancer dans une résistance directe, car elle fait face à des pressions pour intégrer l’UE et a un problème de souveraineté sur le Kosovo. En conséquence, le bien-être de la Serbie dépend de sa capacité à améliorer les relations avec des puissances tierces telles que la Russie et la Chine pour s’assurer un poids géopolitique.

Pour la Chine, la Serbie devient ainsi un autre centre d’attention, ou un refuge, pour projeter son influence sur l’Europe. Depuis le début du conflit en Ukraine, la Chine a pris une position ferme contre l’expansion des institutions occidentales dirigées par les États-Unis, les considérant comme un outil d’hégémonie qui serait utilisé contre elle. C’est pourquoi le renforcement des liens avec Belgrade a fait partie des efforts déployés par Pékin pour maintenir sa position sur le continent, tant sur le plan politique que sur le plan économique : cela a créé un passage commercial utilisant son rôle dans le corridor des Balkans.

Par conséquent, Xi va probablement tenter d’améliorer les relations avec la Serbie. Après tout, c’est un endroit où la Chine peut investir et donc commercer avec l’Europe, sans ingérence de l’UE et de l’OTAN. Il est aussi souhaité que la Serbie rejoigne éventuellement les BRICS.

Ainsi, tandis que la visite de Xi en France, l’un des principaux États de l’UE, vise à garantir que le bloc ne s’unisse pas contre Pékin, sa visite en Serbie et en Hongrie est stratégique à dessein car elle les utilise comme points de projection pour garantir que les liens commerciaux de la Chine avec l’Europe puissent être maintenus malgré la résistance de personnes influentes tels qu’Ursula von der Leyen.

 

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