L'Agence nationale de sécurité du médicament a publié les conclusions de son enquête et reproche à l'infectiologue une série de «graves manquements». Didier Raoult souligne que certaines accusations précédentes de Mediapart n'y sont pas confirmées.
Les autorités sanitaires françaises sont revenues à la charge contre Didier Raoult, mettant en cause de «graves manquements» selon eux au sein de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille qu’il dirige. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui a annoncé dans un communiqué du 27 avril la publication des conclusions d’une enquête menée fin 2021, avance ainsi que l’IHU aurait été le cadre «de graves manquements et non-conformités à la réglementation des recherches impliquant à la personne humaine».
L’autorité accuse en outre l’IHU de s’être affranchi pendant des années de multiples règles pour mener des recherches sur des patients. «Les règles éthiques n’ont pas été systématiquement respectées, ne permettant pas d’assurer la protection des personnes à un niveau suffisant», indique l’ANSM. A de multiples reprises, selon l’agence, des essais ont ainsi été engagés sans obtenir l’avis obligatoire d’un comité indépendant ni, parfois, le consentement de tous les patients examinés. Ce serait par exemple le cas de prélèvements rectaux réalisés au début des années 2010 sur des enfants atteints de gastro-entérite. Pour des dizaines d’entre eux, le consentement des parents est absent.
En conséquence, l’ANSM annonce deux types d’actions. L’une, menée par ses propres soins, consiste à demander l’interruption des essais entamés irrégulièrement et à imposer «des actions correctives et préventives» pour remettre en bon ordre les recherches à l’IHU. Ces mesures ne seront pas immédiates, puisque l’ANSM doit passer par une procédure contradictoire avec l’IHU et l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), dont la responsabilité est également mise en cause.
Parallèlement, l’ANSM annonce saisir la justice, ce qu’elle avait déjà fait à l’automne lors de la publication de l’enquête de Mediapart. Comme à l’époque, elle accuse l’IHU d’avoir mené des essais irréguliers, mais elle y ajoute une autre charge, celle de s’être vu présenter un «document falsifié concernant un avis du comité d’éthique interne de l’IHU» pour justifier le lancement d’une des recherches incriminées.
Certaines allégations de l’AP-HM et de Mediapart battues en brèche, selon Didier Raoult
En revanche, les autorités sanitaires attendent d’en savoir plus sur le volet portant sur les accusations d’expérimentation non autorisée de traitements censés lutter contre la tuberculose. «Nous n’avons pas, à ce stade de nos investigations, identifié d’éléments prouvant la mise en œuvre d’un essai clinique non autorisé sur le traitement de la tuberculose», écrivent les enquêteurs de l’ANSM, qui évoquent cependant «l’utilisation de combinaisons d’antibiotiques différentes des recommandations internationales et potentiellement dangereuses pour les patients» et une fréquence des événements indésirables graves qui apparaît selon eux «élevée».
Dans un communiqué, Didier Raoult a souligné ce point, se disant «satisfait que l’ANSM constate qu’il n’y a jamais eu le moindre essai thérapeutique sur la tuberculose au sein de l’IHU Méditerranée Infection, contrairement aux allégations contenues dans l’enquête interne de l’AP-HM et dans les articles de Mediapart». Selon l’infectiologue, qui avait déjà défendu son équipe lors d’une conférence de presse tenue le 20 avril, les reproches formulés par l’ANSM sur d’autres études «ne paraissent pas justifier une remise en cause du projet IHU dans son ensemble».
Communiqué de presse.https://t.co/n980PrtcScpic.twitter.com/ZlbvaV29aR
— Didier Raoult (@raoult_didier) April 27, 2022
Selon l’AFP, l’ANSM compte poursuivre son enquête, n’excluant pas à terme de saisir aussi la justice à ce propos. L’AP-HM a quant à elle affirmé, dans un communiqué, mettre en œuvre «l’ensemble des recommandations à effet immédiat», dont la suspension des recherches réalisées sans avis d’un comité, et se tenir «à disposition de l’ANSM et de la justice pour toutes les enquêtes ultérieures».
Contacté par l’AFP, le parquet de Marseille a indiqué avoir «pris connaissance de la communication» de l’ANSM et «décidera de la suite pénale à donner après analyse des éléments mis en évidence dans le cadre de l’enquête administrative». Le ministère de la Santé n’a pas souhaité faire de commentaire, à l’image de l’Ordre des médecins, qui a dit vouloir en premier lieu «prendre pleinement connaissance du rapport». Enfin, une autre enquête est menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la façon dont est géré l’IHU.
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