L'armée israélienne a ciblé l'aéroport d'Alep et la banlieue de Damas le 31 août. En multipliant ses frappes contre la Syrie, Israël entend mettre la pression sur Bachar el-Assad afin qu'il prenne ses distances avec son allié iranien.
Deux mois après avoir ciblé l’aéroport international de Damas et l’avoir mis hors service pour plusieurs semaines, c’est celui d’Alep qui a été frappé par l’aviation israélienne dans la soirée du 31 août.
En effet, quatre missiles tirés par des avions israéliens qui opéraient à partir de la Méditerranée à la hauteur de la ville côtière de Lattaquié ont touché l’aéroport international d’Alep. L’agence de presse syrienne Sana a confirmé les frappes qui ont causé, selon elle, «des dégâts matériels». Une heure après, la défense anti-aérienne syrienne postée au sud de Damas est entrée en action contre des missiles tirés par des avions. Plusieurs projectiles ont été abattus, rapporte encore Sana, mais d’autres auraient touché la région de Kiswa, où sont déployées des forces pro-iraniennes.
A nouveau, les frappes israéliennes prouveraient l’objectif de l’Etat hébreu en Syrie : faire pression sur Bachar el-Assad et le mettre en porte à faux vis-à-vis de son allié iranien en frappant les infrastructures vitales du pays.
Plus de 1 000 frappes israéliennes en Syrie en trois ans
La Syrie de Bachar el-Assad ne serait donc qu’un moindre mal pour Israël. Malgré l’état de guerre qui demeure entre les deux pays, une relative stabilité à la frontière était garanti jusqu’en 2011 suivant une ligne de démilitarisation mise en place en 1974. Ils avaient même commencé à négocier un traité de paix par l’intermédiaire de la Turquie en 2008. Suivant la logique connue de «terre contre paix», le gouvernement israélien devait rétrocédé le Golan en échange d’une normalisation des relations. Cependant, en raison de la guerre à Gaza et de l’opération «plomb durci» en 2008, les pourparlers avaient échoué.
Selon les informations rapportées par le site émirati The National, l’aviation de Tsahal a frappé plus de 1 000 fois le territoire syrien ces trois dernières années. Cette intensification des raids israéliens prouve que les milices chiites affiliées à l’Iran représente une réelle menace pour l’Etat hébreu. De ce fait, Israël veut montrer qu’il peut frapper partout et n’importe quand : à Palmyre, à Masyaf, au port de Lattaquié, dans la banlieue de Homs ou se situe la base T4 du Hezbollah, à Abou Kamal à la frontière syro-irakienne, dans la banlieue de Damas. Iran et Israël se livrent ainsi une guerre par procuration en Syrie. Le général de brigade Yossi Kuperwasser, ancien directeur général du ministère israélien des affaires stratégiques et ancien chef de l’aile de recherche du renseignement militaire israélien, avait clarifié la position israélienne en avril 2021 : «Nous voulons empêcher l’Iran de transformer la Syrie en une base iranienne proche d’Israël, ce qui pourrait apporter un changement stratégique radical dans la situation. C’est pourquoi nous continuons à pilonner les bases iraniennes afin qu’elles ne prennent pas le contrôle du pays.»
En d’autres termes, Tsahal continuera à bombarder la Syrie tant que Bachar el-Assad n’aura pas pris ses distances avec l’Iran et le Hezbollah libanais. Selon le site d’information saoudien Elaph, Israël aurait même menacé de bombarder le palais du président syrien si les opérations iraniennes continuaient sur son territoire.
L’Iran, un allié encombrant pour la Syrie ?
Mais pour Damas, prendre ses distances avec l’Iran n’est pas une mince affaire, bien au contraire. Bachar el-Assad s’est rendu dans la capitale iranienne le 8 mai pour renforcer les relations bilatérales. Pour sa part, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déjà fait trois fois le déplacement dans la capitale syrienne depuis sa nomination en août 2021.
L’Iran entend en effet obtenir des gains économiques après avoir investi plus de 105 milliards de dollars dans son expansion en Syrie. Damas a d’ailleurs fin novembre 2021 l’exposition Iran International Exhibitions Company. Cette foire a regroupé plus de 160 entreprises iraniennes spécialisées dans le domaine médical, la construction et l’énergie. Déjà en 2019, Téhéran obtenait l’exploitation des mines de phosphate d’Al-Charqiya et Khanayfis dans la région de Palmyre. Les Iraniens ont également construit plusieurs centrales électriques à Banyas et à Alep et gèrent le port de Lattaquié. Pour épauler l’Etat syrien face aux pénuries de pétrole, Téhéran a envoyé plusieurs tankers depuis 2021. De surcroît, ils investissent majoritairement à Alep, deuxième ville du pays, où ils contrôlent l’aéroport de la ville, mais également à Deir ez-Zor ou à Abou Kamal, à la frontière syro-irakienne pour sanctuariser leur corridor terrestre jusqu’à la Méditerranée.
Compte tenu du conflit en Ukraine ayant entraîné le retrait de certaines troupes russes du théâtre syrien, des conseillers militaires iraniens auraient pris la place vacante. Néanmoins, selon les informations du New York Times, le gouvernement syrien aurait demandé aux forces iraniennes de ne pas attaquer Israël depuis son territoire pour éviter les représailles.
En raison de cette présence iranienne de plus en plus prégnante et des liens de Téhéran avec la Syrie d’Assad, les bombardements israéliens devraient perdurer.
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