Dernier coup de pression sur le gouvernement français: quatre jours avant une décision attendue du Conseil constitutionnel, une coalition d'opposants à la loi sur l'immigration a manifesté ce 21 janvier contre la promulgation d'un texte qui consacre, selon eux, la victoire idéologique «de l'extrême droite».
Quelque 75 000 personnes se sont mobilisées ce 21 janvier à travers le pays, selon le ministère de l’Intérieur. Le syndicat CGT, un des organisateurs du mouvement, en a revendiqué 150 000 sur le réseau social X.
En se ralliant à l’appel lancé initialement par 201 personnalités, les opposants voulaient rassembler au-delà de la sphère militante traditionnelle pour faire pression sur l’exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté mi-décembre, notamment avec les voix du parti du Rassemblement national, sauf censure complète et surprise par le Conseil constitutionnel le 25 janvier.
Plus de 160 marches étaient prévues dimanche, dont celle de Paris, qui a rassemblé 16 000 personnes selon la police et 25 000 selon la CGT.
«Cette loi, c’est une rupture avec les principes français depuis 1789 pour le droit du sol et depuis 1945 pour l’universalité de la protection sociale », a déclaré la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, qui a appelé à la mobilisation avec son homologue de la CFDT, Marylise Léon.
Réunis à Paris avant le départ du cortège, des politiciens de gauche ont fustigé l’exécutif français, qui « a ouvert le pont levis aux idées de l’extrême droite », selon Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste.
«Immigration une chance pour la France», «La France est un tissu de migrations »: au milieu des pancartes brandies par les manifestants, Mady Cissé, Sénégalais de 59 ans, intérimaire dans le bâtiment, apprécie un « soutien important» mais «aussi logique».
«On forme une seule et même société: sans nous, le pays ne fonctionnerait pas, c’est nous qui nous levons à cinq heures du matin pour aller travailler dans le bâtiment, pour sortir vos poubelles… même les bureaux des préfectures qui nous refusent les papiers, c’est nous qui les nettoyons!», observe l’ouvrier qui dispose d’un titre de séjour temporaire.
Face à la #LoiImmigration Macron-Le Pen qui impose la préférence nationale, nous sommes nombreux aujourd'hui à lui opposer notre résistance nationale!
Ils ont remplacé notre devise par racisme, xénophobie & inhumanité, nous défendrons sans relâche liberté, égalité & fraternité! pic.twitter.com/KgeA7UKKtI
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) January 21, 2024
«Dérive vers l’extrême droite»
Les auteurs de l’appel à la manifestation, dont de nombreuses personnalités du monde de la culture, demandent au président Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi.
« Cette loi est une dérive vers l’extrême droite, sur le plan politique, et sur le fond vers la préférence nationale, qui n’est pas conforme à nos principes fondamentaux et constitutionnels », a déclaré l’ex-Défenseur des droits Jacques Toubon, présent dans le rassemblement parisien.
En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial du gouvernement, alors que la loi devait initialement reposer sur deux volets, l’un répressif pour les étrangers « délinquants », l’autre favorisant l’intégration. Désormais, le texte comprend de nombreuses mesures remises en cause par la gauche, comme le durcissement de l’accès aux prestations sociales, l’instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du « délit de séjour irrégulier ».