Le Conseil de déontologie journalistique a estimé que la journaliste se trouvait en situation de «conflit d'intérêts» pour animer une émission sur son mari Jean-Michel Blanquer, critiqué pour avoir présenté un protocole sanitaire depuis Ibiza.
Dans un avis rendu public le 18 mai, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) a statué sur un curieux mélange des genres : lors de l’émission Conversations avec Anna Cabana diffusée sur i24News le 18 janvier, la journaliste avait abordé avec ses invités le cas du ministre de l’Education, critiqué pour avoir annoncé de nouvelles mesures en lien avec l’épidémie de Covid-19 depuis Ibiza, où il était en vacances, avec son épouse… Anna Cabana.
Saisi par deux requérants qui s’étaient émus de l’absence d’une présentation claire, en plateau, de ce lien conjugal, le CDJM a rappelé plusieurs textes essentiels régissant la déontologie des journalistes, dont l’article 13 de la Charte d’éthique mondiale, selon lequel tout journaliste doit «éviter – ou mettre fin à – toute situation pouvant le conduire à un conflit d’intérêts dans l’exercice de son métier». Or,«à aucun moment dans l’émission en cause, la journaliste n’indique ses liens privés avec M. Jean-Michel Blanquer», note le CDJM. «Le choix de ne pas se faire remplacer à l’antenne le 18 janvier ou à tout le moins de ne pas expliquer aux téléspectateurs qu’elle allait se contenter de distribuer la parole sur le sujet du jour, puisqu’il concernait son mari, la place de facto dans une situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts», tranche l’institution. Ainsi, la règle déontologique édictée par la Charte d’éthique mondiale «n’a pas été respectée par i24News», conclut le Conseil.
C’est même écrit sur ma fiche Wikipedia !
Invitées à s’expliquer par le CDJM, la journaliste et sa rédaction n’ont pas répondu. Dans une interview au Parisien le lendemain de l’émission controversée, Anna Cabana avait expliqué que sa relation avec Jean-Michel Blanquer était «publique». «Tapez mon nom sur internet, c’est partout. C’est même écrit sur ma fiche Wikipedia ! Aujourd’hui, tout le monde sait que je suis la compagne de Jean-Michel Blanquer», s’était-elle défendue. Un argument rejeté par le CDJM, qui a estimé que «cette notoriété est toute relative, et que le lien conjugal n’est pas explicité, par exemple par un nom marital». Sans oublier de rappeler quelques fondamentaux du métier de journaliste : «la notion de “supposé connu” est généralement proscrite dans les rédactions, les informations essentielles devant être portées à la connaissance du public ou rappelées dans le but de contextualiser», professe-t-il.
Le CDJM précise qu’il «n’ignore pas la difficulté, pour un ou une journaliste politique, de s’écarter de son domaine de compétence au prétexte que sa vie personnelle la lie à une femme ou un homme politique», mais souligne que la profession doit faire des efforts dans ce genre de situation, «dans un souci de transparence et pour couper court aux soupçons et accusations de conflit d’intérêts et/ou de collusion entre journalisme et pouvoir». Et rappelle qu’Anna Cabana elle-même avait été amenée en 2020 à quitter la rédaction en chef du service politique du Journal du Dimanche pour éviter «toute interrogation sur des interférences éventuelles avec les activités ministérielles de son compagnon».
Cette affaire dite de l’«Ibizagate», conjuguée à des mouvements de grève très suivis dans l’Education nationale, a fragilisé la position de Jean-Michel Blanquer, désormais candidat de la majorité aux élections législatives dans la 4e circonscription du Loiret.
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