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La globalisation, c’est la guerre et Scholz nous y entraîne

Le chancelier allemand vient de faire sursauter ce petit monde encore bien douillet, en déclarant que nous ne sommes plus en temps de paix. La paix est terminée, enterrée avec «l’ancien» monde, celui d’avant la globalisation. Et la guerre en Ukraine n’est que la prolongation logique de cette fuite en avant. Par Karine Bechet-Golovko.

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La globalisation, c’est la guerre. La guerre, c’est la paix. Orwell est de retour. Alors de quelle paix s’agit-il ? La Pax Americana ? Unique, uniforme, une pour tous, tous alignés, sans une tête qui dépasse. Cette paix n’existe que les armes à la main pour la simple et bonne raison que la globalisation, pour être globale, ne peut se permettre le luxe de la pluralité.

Tout ce qui est autre la met en danger, car s’il existe une autre voie, cela signifie que le monde n’est plus global. La flexibilité, qui faisait la force du libéralisme face au communisme, a disparu. La rigidité idéologique a changé de camp, avec la disparition du libéralisme, lui-même dévoré par le monstre dont il a accouché.

Regardez les chiffres officiels lancés par Charles Michel ces jours-ci concernant l’aide apportée par les pays européens à la guerre en Ukraine : «Le soutien militaire apporté à l’Ukraine par l’UE et ses États membres depuis le début de la guerre s’élève à environ 28 milliards d’euros.»

Le terme d’économie de guerre, de part et d’autre du Rhin

28 milliards d’euros. C’est environ la moitié du budget européen annuel consacré à l’agriculture, la fameuse PAC. C’est énorme. C’est un choix stratégique, qui n’est pas circonstancié par le conflit en Ukraine, ne confondons pas les causes et les conséquences. Et en réalité, Charles Michel le laisse entendre, lorsqu’il précise que depuis neuf ans, le budget accordé à l’armée augmente : «Ces décisions collectives marquent une nouvelle ère dans notre défense européenne commune et nous conduisent à une véritable Union de la défense. Je suis convaincu qu’un véritable marché unique de la défense devrait sous-tendre cette nouvelle ère de la sécurité européenne. Les dépenses de défense des alliés européens ont augmenté en moyenne de plus de 8% l’année dernière – il s’agit de la neuvième année consécutive d’augmentation des dépenses de défense.»

En déclarant que nous ne vivions plus en période de paix, Olaf Scholz a jeté un pavé dans la mare. Non pas parce qu’il a éhontément menti, mais parce qu’il a dit la vérité. Or, tout ce qui se fait ne se dit pas, car quand les choses sont dites, elles prennent vie dans l’opinion publique et deviennent une réalité sociale. Peut-être sommes-nous passés au stade suivant, quand pour les élites globalistes, comme le chancelier allemand ou le président français, les populations doivent s’habituer à l’idée de la guerre ? Parce que, pour une raison indépendante de l’intérêt national, ces élites globalistes en ont besoin.

Car in fine, les discours militarisés de ces deux dirigeants sont semblables. Le terme d’économie de guerre est présent de part et d’autre du Rhin, nos Dupont et Dupont nous préparent une fusion/dilution de ce qui reste de l’industrie dans nos pays. Le chancelier allemand, surfant sur la menace de Trump de ne plus financer l’OTAN, rappelle que la grande industrie militaire allemande, bien connue et pour cause en Europe, ne suffira pas à elle seule à garantir la continuité de la guerre atlantiste en Ukraine. Il faut donc s’unir, encore plus fort, encore plus loin à 27. C’est le temps de la guerre et la guerre est une chance. «Nous devons […] nous tourner vers la production d’armements à grande échelle», a martelé Olaf Scholz. 

Cette déclaration complète parfaitement l’idée pour le moins saugrenue de Macron d’envisager l’engagement de la dissuasion nucléaire française, censée défendre les intérêts vitaux de la Nation, pour défendre l’intérêt «européen», c’est-à-dire atlantiste.

«M. Macron rappelle ensuite la doctrine française : la dissuasion nucléaire couvre les “intérêts vitaux” de la France, lesquels ont “clairement une dimension européenne, ce qui nous confère une responsabilité particulière”», écrit Sylvie Kauffmann dans Le Monde.

Militarisation du discours

L’État est mort, vive la globalisation ! Et cette militarisation du discours et de la politique s’accompagne de sa troupe de bonimenteurs. Puisqu’il y a la guerre, il faut bien un emprunt d’État… Mais comme il n’y a plus d’État, en tout cas chez nous, il ne reste que l’emprunt… pour un autre territoire, qui n’est plus vraiment autre chose qu’un front. Ainsi, sous l’impulsion d’un «collectif» pro-Ukraine, qui rejette a priori toute autre voie que celle de la guerre, il est proposé non seulement d’entrer de plain-pied dans l’économie de guerre et la production armée, mais également que les Français épargnent pour l’Ukraine…

Le discours politico-médiatique qui s’installe sous-entend que, tant qu’il n’y a pas de guerre nucléaire, il n’y a rien de grave. 

Toujours plus d’armes, doubler l’effort budgétaire français, quelles bonnes idées à l’heure d’une croissance économique exceptionnelle en France, où les Français se sentent parfaitement à l’aise financièrement, 500 euros par mois pour l’Ukraine, c’est quoi, un détail. Et beaucoup de médias ont repris cet appel, pour la simple et bonne raison que l’on retrouve un bon nombre de leurs experts va-t-en-guerre de plateau dans ce collectif ukrainien, ceux comme Alexandre Melnik, Galia Ackerman, Nicolas Tenzer ou encore Michel Yakovleff.

La facilité avec laquelle les médias et les politiciens parlent d’une guerre contre la Russie est surprenante. Ce n’est pas le fait qu’une guerre puisse exister qui est surprenant. Les guerres ont toujours existé et existeront tant qu’il y aura des hommes. Ce qui est surprenant, c’est le détachement avec lequel il est question de guerre. Le fameux Tenzer, par exemple, explique benoîtement sur LCI que nous sommes déjà en guerre et qu’il est parfaitement possible que l’armée française frappe les troupes russes, sans que cela ne déclenche de guerre nucléaire.

Le discours politico-médiatique qui s’installe sous-entend que, tant qu’il n’y a pas de guerre nucléaire, il n’y a rien de grave. Si la France frappe, si l’Allemagne entraîne les pays européens dans une économie de guerre – donc en vue d’une implication dans le conflit en Ukraine, ces pays se préparent et nous préparent à entrer en guerre. Certes, peut-être pas nucléaire, mais en guerre.

Et cela n’est pas terrible ? Une guerre est toujours terrible. Une guerre, cela n’a rien de romantique. C’est du sang, de la chair et de l’acier mêlés à la terre. Ce sont des cris, des douleurs. C’est un combat, dans lequel chacun peut mourir.

La guerre, qui a été préparée, puis déclenchée en Ukraine contre la Russie par les forces atlantistes dès 2014, est une guerre de facto fratricide et justement voulue comme telle.

Cette terrible réalité de la guerre est malheureusement parfois nécessaire pour défendre sa Patrie, sa terre, ses concitoyens. La guerre, qui a été préparée, puis déclenchée en Ukraine contre la Russie par les forces atlantistes dès 2014, est une guerre de facto fratricide et justement voulue comme telle. Les forces de l’OTAN lancent les peuples ukrainien et russe unis dans une même Patrie depuis plus d’un millénaire dans un combat. Cette guerre est entretenue, financée, dirigée par l’OTAN. La séparation de l’Ukraine de la Russie, dans l’histoire, a toujours été instrumentalisée par l’Occident dans son combat contre la Russie.

Mais que viennent faire les Français, les Allemands et les autres Européens dans cette guerre ? Sur quelle terre doivent-ils aller se battre et mourir ? Quelle terre doivent-ils aller défendre ? Et surtout quels intérêts, puisque cela n’a rien à voir avec l’intérêt national de ces pays ? Si Ackerman, Tenzer, Desportes, Garapon, Ancel, Goya, bref si les membres de ce collectif veulent à ce point aller se battre en Ukraine, qu’ils y aillent, qu’ils se battent. Non pas confortablement au chaud sur les plateaux télé, mais les armes à la main sur le front et l’hiver n’est pas encore fini. S’ils veulent financer la guerre en Ukraine, qu’ils donnent l’exemple et reversent leurs revenus à l’armée ukrainienne ou au budget français, qui la finance.

Mais la guerre de la France et des Français n’est pas à Kiev.

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