France

L’Agence nationale du médicament mise en examen pour tromperie concernant le Levothyrox

Dans la foulée du laboratoire Merck, fabricant du médicament conçu contre les problèmes de thyroïde, l'ANSM est accusée de «tromperie». Elle avait écarté en 2019 l'existence de problèmes de santé graves, pourtant signalés en nombre par les patients.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé avoir été mise en examen le 5 décembre pour «tromperie» dans le dossier du changement de formule du Levothyrox, médicament conçu contre les problèmes de thyroïde. Cette mise en examen intervient un mois et demi après celle de la filiale française du laboratoire pharmaceutique Merck, fabricant de ce médicament, pour «tromperie aggravée».

La nouvelle composition du Levothyrox, arrivée en France fin mars 2017 et utilisant le même principe actif, la lévothyroxine, mais avec de nouveaux excipients, est au cœur de cette affaire. De nombreux patients se sont plaints de nombreux effets secondaires liés à cette nouvelle formule, qu’il s’agisse de crampes, de maux de tête, de vertiges ou de perte de cheveux.

Une enquête pénale avait été ouverte à Marseille en mars 2018 pour pour «tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d’autrui», étendue ensuite au chef d’«homicide involontaire» après la mort d’une patiente, alors que le médicament était à l’époque utilisé quotidiennement par près de trois millions de patients en France, selon Merck.

L’ANSM affirme n’avoir jamais nié les «difficultés» des patients

«L’ANSM n’a jamais nié les difficultés rencontrées par certains patients au moment du passage à la nouvelle formule du Levothyrox et se préoccupe de manière constante et quotidienne de la sécurité et de la santé des patients», a assuré l’agence en charge du contrôle de la sécurité des médicaments dans un bref communiqué diffusé le 5 décembre.

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Si elle  «apportera sa pleine contribution à la manifestation de la vérité», l’ANSM «conteste fermement les reproches formés à son encontre, car aucune infraction pénale n’a été commise», affirme-t-elle.

En juin 2019, l’ANSM avait mené une étude sur plus de deux millions de patients et conclu que le passage à la nouvelle formule n’avait pas engendré de «problèmes de santé graves». Cette agence est aujourd’hui visée par une action collective de plus d’un millier de plaignants, pour  «défaut de vigilance» et «défaut d’anticipation».

Dans un autre volet, au civil, la Cour de cassation avait rejeté en mars le pourvoi du laboratoire Merck, condamné en 2020 à indemniser plus de 3 300 utilisateurs ayant souffert d’effets secondaires à la suite du changement de formule. La juridiction avait considéré que le fabricant d’un médicament n’indiquant pas explicitement un changement de formule de son médicament peut se voir reprocher un «défaut d’information» pouvant «causer un préjudice moral».

Les associations de patients mitigées   

Des associations de patients traités au Levothyrox ont réagi diversement à cette mise en examen de l’ANSM. Celle-ci marque «une nouvelle étape importante dans le versant judiciaire de l’affaire», a salué l’une des parties civiles, l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), dans un communiqué publié le 6 décembre.

Pour elle cependant, la mise en examen pour «tromperie» et «tromperie aggravée» de l’agence et du laboratoire restent «très gravement insuffisante», alors que des chefs d’accusation plus graves, tels que ceux de «mise en danger d’autrui» et d’«homicides involontaires», ont été écartés.

«Il était plus que temps qu’on mette l’Agence devant ses responsabilités», a réagi une autre association, «Vivre sans thyroïde», espérant que la suite de la procédure «permettra de mettre à jour les nombreuses erreurs, fautes, connivences» de l’ANSM.

Fin novembre, l’AFMT a annoncé que suite aux discussions avec la Direction générale de la santé, l’Euthyrox – ancienne version du médicament – serait toujours commercialisé en France tout au long de l’année 2023, alors qu’il devait sortir du marché à la fin de l’année. Selon l’association, 90 000 patients sont encore traités avec cette ancienne formule.

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