Chroniques

Le Mur globaliste passe par la Finlande

Qui pourrait s’opposer à la lutte contre l’immigration illégale ? C’est le fondement assez amusant avancé par la Finlande, et désormais l’Estonie, deux pays membres de l’Union européenne, pour justifier la fermeture partielle de leurs frontières avec la Russie. Par Karine Bechet-Golovko.

Des véhicules des Forces de défense finlandaises (FDF) au poste-frontière de Vartius, à Kuhmo, dans l’est de la Finlande, le 19 novembre 2023 (photo d’illustration).

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Toute décision politique controversée et à la légitimité glissante doit impérativement s’appuyer sur un fondement inattaquable. Qui pourrait être contre la sécurité nationale ? Qui pourrait s’opposer à la lutte contre l’immigration illégale ? C’est le fondement assez amusant avancé par la Finlande, et désormais l’Estonie, membres de l’Union européenne, dont la politique de porte ouverte a déjà conduit à une instabilité profonde des sociétés européennes, pour justifier la fermeture partielle des frontières avec la Russie. 

Sept cents immigrés en provenance d’Afrique demandant l’asile politique en passant par la Russie depuis août serait un chiffre insurmontable pour la Finlande, dont la sécurité nationale serait ainsi mise en danger par la Russie. 

Pour comprendre l’hypocrisie de la situation, il faut remettre ces 700 pauvres hères dans la statistique migratoire européenne. L’UE a accueilli près de quatre millions de non-européens en 2022, dont 350 000 immigrés en situation irrégulière. Ces chiffres de l’immigration irrégulière doivent être pris avec des pincettes et semblent revus à la baisse au niveau européen. En effet, en 2021, le ministre français de l’Intérieur estimait à 600–700 000 le nombre de personnes en situation irrégulière dans le pays. Rien que pour la Finlande, en 2020, ce pays, qui prend peur pour 700 personnes, comptait sur son sol 444 000 personnes d’origine étrangère. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des naturalisations et des régularisations, qui sont légion chaque année dans nos pays.

Alors comment prendre au sérieux toute l’épopée frontalière, qui se développe en Finlande ? Difficilement, si l’on fait preuve d’honnêteté intellectuelle.

Je ne savais pas le système finlandais si fragile…

Rappelons l’évolution de la situation à la frontière russo-finlandaise. Alors qu’Ursula von der Leyen est en discussion avec le Premier ministre finlandais, tout à coup, celui-ci fait monter le ton au sujet de l’afflux de demandeurs d’asile – très relatif selon les dires mêmes du ministre finlandais de l’Intérieur – et affirme qu’il s’agit d’une manœuvre volontaire de la Russie en raison de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN, afin de déstabiliser la situation intérieure. Avec 700 personnes sur une demi-année… Je ne savais pas le système finlandais si fragile…

Le ministère russe des Affaires étrangères, évidemment, dément cette étrange accusation et parle d’une provocation, position qui semble être confirmée par une enquête journalistique menée par un média de Saint-Pétersbourg, ayant appris que ces Africains sont transportés jusqu’à la frontière russo-finlandaise côté russe en taxi ou en voiture, dont la plupart des véhicules ont des plaques d’immatriculation finlandaise. Après quoi, ils reçoivent des vélos pour aller vers la Finlande demander l’asile politique.

Le poste-frontière de Nuijamaa, à la frontière fino-russe (image d'illustration).

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C’est quand même une étrange manière pour la Russie, puisqu’elle en est accusée, d’organiser un convoi d’Africains vers le paradis froid européen…

Toujours est-il que sur ce fondement, la Finlande a décidé de fermer, au minimum du 18 novembre au 18 février prochain, quatre postes-frontières, auxquels s’est immédiatement ajouté un cinquième, celui de Vartius :

«Vartius est le poste-frontière le plus proche du poste-frontière fermé de Nyirala, situé à 900 km, soit environ 11 heures de route. Les postes-frontières de Niirala, Vaalimaa, Nuijamaa et Imatra sont fermés depuis le 18 novembre à minuit. Selon la ministre de l’Intérieur, Marie Rantanen, ils ne fonctionneront que le 18 février 2024.»

Silence d’Helsinki sur les entrées par d’autres frontières

Pendant ce temps, la situation a continué – sur le plan politico-médiatique – de se dégrader et le gouvernement finlandais avait déposé tout un paquet législatif, visant à renforcer les limitations avec la Russie. Dans un dernier sursaut d’instinct national, finalement le vice-ministre de la Justice bloque le paquet législatif, estimant que si la Finlande va jusqu’au bout, elle ne sera plus en mesure d’octroyer le droit d’asile. Pour autant, le Gouvernement menace toujours d’une possible fermeture totale des frontières avec la Russie, si la situation, à leur avis, l’exige. Et pour faire comprendre leur détermination, la Finlande ne laisse actif à partir du 24 novembre jusqu’au 23 décembre qu’un seul poste-frontière entre les deux pays, qui se trouve à rien moins que 1 560 km de Saint-Pétersbourg.

La dimension strictement géopolitique de la décision du gouvernement finlandais est visible à travers plusieurs éléments, dont voici les plus significatifs.

Le fossé entre les peuples et les élites en Occident ne cesse de s’approfondir.

Tout d’abord, la fermeture partielle, et quasiment totale, de la frontière ne concerne pas que les personnes en situation irrégulière voulant entrer en Finlande depuis la Russie, mais également les Finlandais voulant aller en Russie, les Russes voulant se rendre en Finlande ou encore l’import/export de nombreux produites d’origine animale et végétale entre les deux pays, puisque le poste-frontière de Vaalimaa était le seul à assurer le contrôle sanitaire obligatoire. Je soulignerais par ailleurs que la Finlande ne communique pas, en parallèle, sur l’entrée par ses autres frontières de demandeurs d’asile, comme si tous ne passaient que par la Russie, ce dont on peut largement douter…

Ensuite, le gouvernement finlandais, en réaction aux nombreuses manifestations populaires contre cette mesure, n’a rien trouvé de mieux que de déposer devant le Parlement, où se réunissaient les manifestants, un char russe détruit en Ukraine. Ici, comme dans les autres pays atlantistes, où les régimes locaux ont tenté cette démarche hautement symbolique de l’état de soumission des élites politiques nationales, les populations ont déposé des fleurs sur le char. Le fossé entre les peuples et les élites en Occident ne cesse de s’approfondir.

Au tour de l’Estonie ?

Enfin, l’Estonie aussi accuse la Russie d’utiliser l’immigration africaine pour déstabiliser le pays et envisage, sur le même modèle, de fermer sa frontière. Et les chiffres de cette «immigration de masse» envoyée par la Russie dans ce pays sont encore plus significatifs que ceux concernant la Finlande. Ainsi, chaque jour, les données officielles estoniennes sont publiées et l’on apprend avec une véritable angoisse que, rendez vous compte, 19 citoyens de Somalie et de Syrie ont voulu entrer en Estonie dans la nuit de jeudi dernier. Puis dans la nuit de vendredi, rien, personne, silence et désolation. Comme vous le comprenez, la situation est terrible, la tension migratoire en transit par la Russie semble sans aucun doute pouvoir mettre KO ce gouvernement estonien…

Qu’il s’agisse de la Finlande ou de l’Estonie, l’on voit bien que la question migratoire est un prétexte nécessaire à la décision impopulaire de fermer les frontières. Décision devant être prise par ces régimes atlantistes pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la défense de l’intérêt national. Le but suivi est en effet bien loin de la lutte contre l’immigration, puisque les pays membres de l’UE sont à l’inverse soumis au dogme migratoire. Souvenez-vous de ce slogan, dont peu ont le courage aujourd’hui de se souvenir au regard du désastre socio-économique de nos pays : «l’immigration est une chance». Donc, ce ne sont certainement pas quelques dizaines d’immigrés de plus ou de moins, qui vont inquiéter les autorités européennes.

En revanche, la fermeture de la frontière des pays limitrophes avec la Russie est nécessaire. Tactiquement, parce qu’il faut assurer le fonctionnement des sanctions adoptées, notamment en matière de transit, qui laisse à ce jour à désirer. Mais surtout stratégiquement, car le monde atlantiste a besoin de poser sa frontière, pour se sentir à nouveau global. Et elle passe par celle de la Russie, faute de ne pouvoir la digérer. Le monde global, dont la globalité et donc l’existence est en danger, veut ainsi délimiter le territoire, qui lui échappe. Pourtant, enfermer la Russie est irréaliste. Mais peu importe, nous sommes face à une nouvelle fantasmagorie globaliste : tenter de détruire et en attendant «gommer» ce qu’il n’est pas possible de dominer.  Pour pouvoir continuer à faire vivre sur un certain territoire, celui écrasé et évidé, le mythe d’un pouvoir sans limite dans un monde de plus en plus virtuel.

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