L’Assemblée nationale a adopté le 27 mars un texte de loi visant à lutter contre les ingérences étrangères. Dans l’hémicycle, le député Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe Rassemblement national, a dénoncé le manque d’ambition du texte ainsi que le double standard du camp présidentiel à l’égard des ingérences américaines en France.
«Vous ne voulez pas lutter contre la corruption, vous ne voulez pas lutter contre la pourriture, parce que la pourriture est au cœur de votre système !», a lancé le 27 mars à l’Assemblée nationale le député de la Somme et président délégué du groupe Rassemblement national (RN) au Palais Bourbon, Jean-Philippe Tanguy.
La montagne de manipulations sur les ingérences accouche d’une souris ridicule, une loi incapable de lutter contre les ingérences étrangères.
La Macronie n’est qu’hypocrisie. Elle ne peut pas lutter contre les ingérences, car la corruption est au cœur de son système ! pic.twitter.com/giiAK6uFsb
— Jean-Philippe Tanguy Ⓜ️ (@JphTanguy) March 27, 2024
La chambre basse du Parlement français a adopté le même jour, par 171 voix contre 25, en première lecture, une proposition de loi visant à «prévenir les ingérences étrangères», avec la création d’un registre national de l’influence, la possibilité de geler des avoirs financiers et une extension controversée d’un dispositif de surveillance algorithmique pour l’heure circonscrit à la lutte antiterroriste.
Le rapporteur du texte, le député Renaissance de la Vienne Sacha Houlié, membre de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), avait justifié la nécessité de ce projet de loi par les récentes cyberattaques contre plusieurs ministères, revendiqués par différents groupes de hackers prétendument «islamistes» et «pro-russes», ou encore par l’affaire des étoiles de David bleues peintes sur des immeubles de la région parisienne fin octobre. Suite à cet événement, les autorités françaises avaient crié à l’«opération ingérence numérique russe», non sans provoquer l’indignation de Moscou qui avait dénoncé des accusations «totalement scandaleuses» et «stupides».
L’un des amendements au projet de loi, exigeant la déclaration des financements étrangers des think tanks, a été porté par le député et porte-parole de Renaissance Benjamin Haddad. Jusqu’à son élection en juin 2022, celui-ci était directeur Europe de l’Atlantic Council, un think tank basé à Washington dont la principale mission demeure de promouvoir la coopération entre l’Amérique du Nord et l’Europe.
Du côté du RN, on pointe du doigt un texte qui manque d’ambition. Une «petite loi, que vos montagnes de mensonges accouchent de cette souris ridicule qui ne servira à rien», a dénoncé Jean-Philippe Tanguy, qui épingle également le deux poids deux mesures du camp présidentiel. Le député RN met ainsi en parallèle l’attitude de ses homologues de la majorité, qui passeraient leur «temps à parler des ingérences étrangères» et à faire «le tour des médias, pour faire peur aux Français aux élections, pour dénoncer les oppositions» avec leur passivité face à certains pays, notamment les États-Unis.
«Vous n’avez aucun principe»
Jean-Philippe Tanguy met en avant le cas de Frédéric Pierucci, ex-cadre dirigeant d’Alstom, incarcéré plus de deux ans dans une prison de haute sécurité aux États-Unis d’où il a servi d’otage dans les négociations ayant abouti au démantèlement du groupe français au profit de l’américain General Electric. «Il n’y en a pas un seul, ici, qui était élu en 2015, qui a levé le petit doigt», a lancé le député RN à ses homologues du camp présidentiel. «Vous n’en avez rien à faire que Julian Assange, qui a alerté la presse occidentale, soit retenu dans des conditions inhumaines, des conditions qu’on accepterait pour personne d’autre, mais vous les acceptez pour les États-Unis, car vous n’avez aucun principe», a-t-il poursuivi.
«Et, peut-être qu’un jour nous aurons la vérité d’Alstom, peut-être qu’un jour le parquet national financier pourra établir si oui ou non monsieur Macron a été un agent des États-Unis pour vendre Alstom, […] pour liquider Technip et Lafarge», a-t-il enchéri, sous les réactions indignées des députés Renaissance.
Le projet de loi doit désormais être examiné par le Sénat. Le feu vert de la chambre haute mènerait à l’adoption immédiate du texte, sans navette parlementaire. En effet, le gouvernement a engagé le 20 mars la procédure accélérée, soulignait le 26 mars Libération. «C’est le Quai d’Orsay, très actif sur le sujet, qui en assumera le portage gouvernemental, via la présence dans l’hémicycle de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe auprès de Stéphane Séjourné», relatait le quotidien français.
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