Chroniques

Rejet des eaux de Fukushima : pourquoi l’Occident a laissé le Japon s’en tirer à bon compte

Alors que les voisins de Tokyo crient au scandale face à un éventuel désastre environnemental, ses amis occidentaux maintiennent que le rejet des eaux de Fukushima dans l’Océan n’est pas d’une menace.

Cet article de l’analyste politique Timor Fomenko a été initialement publié sur RT en langue anglaise sous le titre «Why the West allowed Japan to get away with the Fukushima water dump». 

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Pékin, qui insiste sur le fait que ces eaux représentent un danger pour l’environnement, a répondu en interdisant l’importation de fruits de mer en provenance du Japon. Bien que le gouvernement de la Corée du Sud, pro-japonais, ait éludé la question, celle-ci a suscité l’indignation auprès de la population dans le pays.

Les États-Unis ainsi que des médias pro-occidentaux, soutiennent la décision de Tokyo et insistent sur le fait que le rejet de ces eaux est sans danger, y compris par le biais de propos délibérément fallacieux selon lesquels la Chine déverse plus d’« eaux radioactives » dans l’océan que le Japon, ignorant les faits suivants : premièrement, il n’y a pas eu de catastrophe nucléaire en Chine et deuxièmement, les isotopes en cause sont différents. Malgré cela, la campagne visant à minimiser les préoccupations de la Chine, les qualifiant d’hypocrites et de parti pris sur le plan politique, a été coordonnée.

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Pékin toujours coupable

La saga du déversement des eaux de Fukushima révèle néanmoins des points vulnérables persistants de la Chine à l’égard du Japon et montre, en revanche, à quel point l’Occident est prêt à défendre Tokyo quoi qu’il arrive. Quelle serait, à votre avis, la réaction des médias si la Chine était responsable d’un tel désastre ? La réaction au Covid-19 en est une parfaite illustration : d’abord, Pékin étant toujours accusé de « dissimulation » et de « manque de transparence » sur les origines de la pandémie, puis des demandes furent exigées pour que la Chine « paye » pour l’impact que la pandémie a eu sur le reste du monde.

On ne peut qu’imaginer l’indignation politique commune qui s’ensuivrait si c’était Pékin qui rejetait des eaux usées radioactives potentiellement dangereuses dans l’océan. Ces réactions contrastées nous montrent combien, en termes politiques, le Japon bénéficie de grands privilèges dont la Chine ne bénéficie pas. L’un peut s’en tirer à bon compte en commettant un meurtre, tandis que l’autre est condamné pour avoir traversé la rue au mauvais endroit (même s’il ne s’agit que d’allégations).

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Les Etats-Unis ont fermé les yeux sur les crimes japonais

L’Empire du Soleil levant a commis de graves atrocités historiques au cours de la guerre contre la Chine et de l’occupation de certains territoires chinois. L’épisode le plus connu d’entre eux est le massacre de Nankin en1937-1938, au cours duquel environ 200 000 – 300 000 Chinois ont été assassinés par les Japonais. Du point de vue de la Chine, le massacre de Nankin a peut-être été le pire acte d’agression étrangère de l’histoire moderne, qui a marqué la conscience publique du pays. Pire encore est la perception, également partagée en Corée après l’occupation par le Japon, une occupation que ce dernier n’a jamais vraiment eu à expier, il n’y a pas eu de justice pour l’agression et les atrocités commises par Tokyo à cette période.

Ce faisant, les États-Unis ont choisi de doter le Japon d’une nouvelle constitution, tout en laissant en place ses dirigeants et sa société, par crainte d’une prise de pouvoir communiste, ce qui contrastait avec la dénazifaction de l’Allemagne, où d’anciens dirigeants nazis ont été traduits en justice, incarcérés et exécutés, avec leur idéologie complètement démantelée et interdite. Le Japon a peut-être souffert de deux bombardements atomiques, mais il a par ailleurs été rebaptisé et blanchi, sans avoir eu besoin d’assumer ce qu’il avait fait. Cette histoire a semé une grande rancune en Chine.

Le Japon, un outil pour endiguer la Chine

Depuis cette époque, le Japon reste un membre du G7 très privilégié, le premier partenaire des États-Unis en Asie et ainsi l’outil d’endiguement contre Pékin. Washington considère ce pays comme un élément clé pour étendre l’influence de l’OTAN en Asie, et souhaite également intégrer la Corée du Sud dans une alliance trilatérale : ce que le président Yoon Suk-yeol est parfaitement heureux de faire. Par conséquent, c’est un plan stratégique des États-Unis de faire en sorte que le Japon ne subisse aucune répercussion en raison de la mauvaise gestion de la catastrophe de Fukushima et du déversement des eaux qui en a résulté. Pour la Chine, cela devient une occasion de se défouler sur Tokyo pour son alignement sur la stratégie américaine et l’impuissance de Pékin à nuire à sa réputation. Ainsi, le problème des eaux déversées est devenu extrêmement politisé.

Toutefois, la position chinoise est rejetée comme une simple propagande. C’est ainsi parce que, compte tenu de ce qui précède, l’Occident se soucie peu des atrocités historiques commises par le Japon en Chine. Alors que l’Occident profite chaque année de l’occasion pour rappeler au monde les Manifestations de la place Tiananmen en 1989, peu ou pas d’attention est accordée à la mémoire du massacre de Nankin. Cela révèle à son tour les inégalités structurelles entre la Chine dont la voix et le point de vue sont ignorés et le Japon avec un statut confortable et une protection dont elle bénéficie. Pendant que le Japon est admiré, la Chine est détestée. Cela va sans dire qu’en ce qui concerne Fukushima, Pékin ne serait jamais autorisé à s’en sortir aussi facilement après de tels évènements ce qui rappelle également à quel point « l’indignation » est fabriquée, sélective et politiquement motivée. Quoi que la Chine fasse, ce sera de toute façon qualifié de menace et de crime contre le monde entier, mais le Japon ? Le Japon, lui, n’a rien à craindre.

 

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