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Sanctions : quand le Canada autorise «en catimini» des entreprises à commercer avec la Russie

Le journal québécois Le Devoir assure qu'Ottawa a octroyé des permis spéciaux à des entreprises canadiennes afin de contourner ses propres sanctions économiques contre la Russie.

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Au jeu de quelle capitale occidentale sanctionne le mieux la Russie, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. Si du côté de Paris, notamment, on a enjoint, dès le mois de mars 2022, les firmes françaises «de respecter les sanctions», et donc in fine d’abandonner leurs actifs en Russie, les autorités canadiennes se montreraient plus coulantes, à en croire Le Devoir. Dans une publication datée du 3 octobre, le quotidien québécois révèle que les autorités canadiennes auraient délivré depuis mars 2022 «plus d’une dizaine de permis spéciaux» à des entreprises nationales afin de contourner leur propre régime de sanctions contre Moscou.

«Ces autorisations, données à la pièce par Ottawa, ont ainsi favorisé l’exportation de matériaux et d’équipement dans des domaines pourtant jugés “délicats” pour les alliés de l’Ukraine, puisque liés à la fabrication d’armes ou à l’exploration pétrolière et minière», affirme notamment l’auteur de l’article. Des permis spéciaux dont le ministère canadien des Affaires étrangères aurait confirmé l’existence au quotidien, tout en refusant de communiquer leur nombre ou les entreprises qui en ont bénéficié, invoquant «des raisons de confidentialité commerciale» lors d’un échange avec Le Devoir.

Des matériaux utilisables dans la fabrication d’armes

Seraient notamment concernées des «pièces d’aluminium», des «convertisseurs statiques électriques et “appareils à rayons X et appareils utilisant les radiations alpha, bêta, gamma ou d’autres radiations ionisantes”», égraine le média, qui a épluché les données fédérales canadiennes sur le commerce international. Soit des produits «dont le commerce avec Moscou avait été suspendu depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine», souligne-t-il, précisant qu’il s’agit de pièces et d’équipements «inscrits dans l’annexe 7 du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, en raison de leur utilisation possible dans la fabrication d’armes».

Une délivrance «en catimini» fustigée par le porte-parole en matière d’affaires étrangères du Bloc québécois (BQ), Stéphane Bergeron. «Je ne pars pas du principe qu’on ne doive jamais émettre des exemptions, mais ça doit être l’exception plutôt que la règle. Je crois que c’est en train de s’établir comme règle, et c’est pour le moins inquiétant», a déclaré lors d’un point presse le député canadien, cité par Le Devoir.

Ottawa demeure un soutien de poids pour Kiev

Le Canada, qui sanctionne la Russie depuis près de dix ans, avait drastiquement renforcé ses mesures coercitives en février 2022, dans la foulée du lancement de l’opération russe en Ukraine. «Avec effet immédiat, nous cessons toutes les licences d’exportation pour la Russie et annulons les licences existantes», avait ainsi déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau, annonçant de nouvelles sanctions de «grande envergure» devant «limiter la capacité du président Poutine à continuer de financer» les opérations russes en Ukraine.

Selon Le Devoir, les échanges commerciaux russo-canadiens ont chuté de 1 100% entre 2021 et 2022. Des données qui ne prennent pas en compte un autre possible contournement des sanctions occidentales contre la Russie, via des exportations vers des pays tiers pour terminer leurs trajets en Russie. «Après avoir diminué de 91% entre le Canada et la Russie, les exportations canadiennes de circuits imprimés avaient étrangement explosé en 2022 de 4 000% vers la Turquie, de 2 700% vers les Émirats arabes unis et de 900% vers le Kazakhstan», écrit le quotidien, citant les chiffres… d’un rapport ukrainien.

Lors d’un déplacement de Volodymyr Zelensky à Ottawa fin septembre, surtout remarqué par le scandale de l’ovation d’un vétéran SS au Parlement canadien, le Premier ministre Justin Trudeau avait réitéré l’«appui indéfectible» de son pays à Kiev, promettant une aide supplémentaire de 452 millions d’euros, une cinquantaine de blindés, ainsi que l’entraînement d’Ukrainiens au pilotage et à l’entretien des chasseurs américains F-16. Deux jours avant l’arrivée du président ukrainien, Ottawa étendait ses sanctions antirusses à 42 individus et 21 entités supplémentaires.

Selon le décompte du Kiel Institute for the world Economy (IFW), un think tank allemand, le Canada a fourni près de 5,45 milliards d’euros d’aides, dont 1,6 dans le domaine militaire, entre janvier 2022 et juillet 2023. Un niveau d’aide à Kiev qui, en valeur absolue, place Ottawa juste devant Varsovie.

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