Le chef économiste de l'institution chargée des politiques monétaires a proposé d'imposer davantage les plus aisés et les grandes entreprises afin d'aider ceux qui souffrent le plus de l'inflation et d'éviter de creuser les déficits publics.
Une contribution de plus au débat sur la fiscalité et les superprofits qui agite l’Union européenne, alors que l’Assemblée nationale française poursuit ses auditions des patrons de grandes entreprises dans le cadre de sa «mission flash» dédiée. Dans une interview au quotidien autrichien Der Standard publiée le 27 septembre, le chef économiste de la Banque centrale européenne (BCE) Philip Lane a plaidé en faveur d’une taxation des hauts revenus ou des superprofits de certaines entreprises pour financer les aides aux plus démunis face à l’inflation, en évitant ainsi de creuser les déficits publics.
«Les gouvernements devraient soutenir les revenus et la consommation des ménages et des entreprises qui souffrent le plus [de l’inflation]», a ainsi déclaré Philip Lane, membre du conseil des gouverneurs de l’institut monétaire, justifiant son point de vue par des raisons à la fois macroéconomiques et d’équité.
«La grande question est de savoir si une partie de ce soutien doit être financée par des hausses d’impôts pour les mieux nantis», a-t-il développé, estimant que «cela pourrait prendre la forme d’une hausse des impôts sur les hauts revenus ou sur les industries et les entreprises qui sont très rentables malgré le choc énergétique».
«Si vous soutenez ceux qui sont dans le besoin en augmentant les impôts, cela a moins d’effet sur l’inflation que si vous augmentez les déficits», a encore développé Philip Lane. La BCE prône des aides ciblées des Etats afin de protéger les ménages de l’impact de l’inflation, comme l’a déclaré le 26 septembre sa présidente Christine Lagarde devant le Parlement européen.
L’idée de taxer les plus aisés fait déjà son chemin au sein de la zone euro : le 22 septembre, le gouvernement espagnol a ainsi annoncé qu’il envisageait d’instaurer un impôt temporaire (sur deux ans) et exceptionnel pour les 1% de citoyens les plus riches de la population, afin de financer les mesures mises en place pour atténuer l’impact de l’inflation.
Le gouvernement français divisé sur le sujet
La France n’est pas allée aussi loin : le projet de loi de finances pour 2023 mise sur le bouclier tarifaire pour contenir la hausse des prix, tandis que le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a fait preuve d’une opposition constante à toute nouvelle taxe, affirmant «ignorer ce qu’est un superprofit» fin août. Alors que les partis de gauche ont présenté le 21 septembre un texte de loi en vue d’obtenir un référendum d’initiative partagée sur la taxation des «superprofits», en proposant une contribution exceptionnelle des grandes entreprises jusqu’en 2025, il a dénoncé sur France Inter, ce 27 septembre également, un projet de «taxation permanente [qui] concerne quasiment toutes les grandes entreprises du CAC 40 et beaucoup d’entreprises de tailles intermédiaires».
Divisé sur la question, le gouvernement préférerait trouver une solution à l’échelle de l’UE : Emmanuel Macron avait ainsi évoqué le 5 septembre un «mécanisme de contribution» européen. Si les discussions n’aboutissaient pas au niveau européen, «nous serions obligés de la regarder au niveau national», avait alors ajouté le président de la République.
Sorti de l’Union Européenne, le Royaume-Uni a lui présenté le 23 septembre un plan de relance de l’économie qui associe des dépenses publiques conséquentes et des baisses d’impôts massives bénéficiant particulièrement aux plus aisés, sur fond de chute record de la livre sterling.
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