Chroniques

Union pour la Méditerranée : l’échec d’une expérience (et les raisons de cet échec)

Près de 30 ans après sa création, les questions subsistent autour de l'échec de l'Union pour la Méditerranée et sur les moyens de sauver une organisation qui n'est pas parvenue à réunir les deux rives.

Les recherches se poursuivent dans le village de Talat N'yakoub, au sud de Marrakech (image d'illustration).

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Le dernier déplacement du chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné à Rabat en février, et ses entretiens avec son homologue marocain Nasser Bourita, ont fait renaître l’idée de l’Union pour la Méditerranée (UPM), cette plateforme intergouvernementale dont les racines de la création remontent à 1995, à Barcelone en Espagne, et qui rassemble en tout 43 pays : les 27 membres de l’Union européenne (UE) et les autres pays du pourtour méditerranéen.

Cette institution avait pour objectif de promouvoir la coopération et les différentes formes de partenariat dans la région euro-méditerranéenne, ainsi que la mise en place d’une politique de développement inclusif et durable. Elle devait aussi œuvrer pour la stabilité et l’intégration dans la région.

Cependant, au cours de sa première décennie, l’UPM n’a pas connu une présence réelle sur la scène régionale. Les résultats de la coopération annoncée lors du processus de Barcelone et la réunion de Paris de 2008, initiée à l’époque par l’ancien président français Nicolas Sarkozy, n’ont pas été à la hauteur des attentes de l’élite fondatrices du projet et des populations méditerranéennes. Un constat qui a maintenu l’objectif de l’UPM au stade de projet sans réalisation notable.

Près de trois décennies plus tard, les questions subsistent toujours autour de l’échec de l’Union pour la Méditerranée et sur les moyens de sauver une organisation qui n’est pas parvenue à réunir les deux rives.

Des pays membres politiquement peu engagés

Les raisons de cet échec varient selon les conjonctures qui ont accompagné l’UPM depuis sa création, l’un des facteurs avancés par plusieurs observateurs étant le manque d’engagement politique de la part des pays membres pour mettre sur les rails un tel projet, sans doute en grande partie à cause du manque de concertation entre les pays européens, plusieurs capitales du Vieux Continent ayant vu l’Union comme un projet financé par la rive Nord – une sorte de plan Marshall pour les pays de la rive Sud.

Aux réticences de certains États de l’UE non méditerranéens, comme l’Allemagne, à s’engager dans ce projet, s’ajoute le contexte géopolitique marqué essentiellement par le conflit israélo-palestinien, les deux parties (Israël et l’Autorité palestinienne) étant membres de l’Union. En dépit d’un processus de normalisation avec certains pays arabes, la question de ce conflit au Moyen-Orient suscite toujours des points de discorde entre les membres et l’actuelle escalade dans la région depuis le 7 octobre 2023 ne fait qu’envenimer les choses.

Autre aspect géopolitique majeur : le «Printemps arabe», survenu dans quelques pays de la rive Sud à partir de 2011. Pour plusieurs analystes, les fondateurs de l’Union ont laissé passer une opportunité claire de tirer profit du changement politique dans ces pays et l’UPM n’a pas joué le rôle qu’on attendait d’elle pour s’imposer lors de cette expérience démocratique inédite.

S’agissant des domaines de coopération, l’organisation intergouvernementale ne s’est pas projetée depuis 1995 dans une réelle forme de coopération économique, avec des investissements réciproques sur les deux rives de la Méditerranée.

La sécurité et la crise migratoire ont attiré toutes les attentions

En raison des problèmes de sécurité et du défi lié à la circulation des personnes dans le bassin méditerranéen, l’UPM s’est penchée beaucoup plus sur la mise en place d’une coopération pour la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine au détriment d’un partenariat économique approfondi. Dans ce contexte, les pays adhérents de l’Union ont préféré s’engager avec les autres États méditerranéens à travers des plateformes alternatives telles que le dialogue 5+5, l’Union européenne ou encore l’Union africaine.

Un bilan mitigé donc, un an avant la célébration du trentième anniversaire des premiers pas de l’UPM, ce qui a poussé certains membres a initier un redémarrage de l’organisation à travers un partenariat économique solide et des investissements plus productifs.

Cependant, l’écart de développement entre les deux rives encourage les membres à plus d’engagement et à la mise en place d’une relation gagnant-gagnant dans l’optique d’une Méditerranée équitable, juste et développée.

Amin Toutah

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