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Passage en force ou nouvelle concertation ? La majorité divisée sur la réforme des retraites

Emmanuel Macron a affiché la volonté de réformer rapidement le système de retraites par répartition, quitte à passer par un simple amendement au PLFSS. Mais ses soutiens, redoutant une crise sociale, sont loin de parler d'une même voix sur le sujet.

La réforme des retraites reste un objectif prioritaire pour le président de la République, qui n’a pas fait mystère de sa volonté de remettre sur la table le projet suspendu en mars 2020 après des mois de manifestations et de grèves et l’arrivée du Covid-19, et de parvenir à une mise en œuvre dès 2023.

Après avoir évoqué pendant la campagne présidentielle la possibilité d’un référendum sur ce dossier très sensible, Emmanuel Macron semble avoir changé d’avis sur la méthode en annonçant le 12 septembre qu’il n’excluait pas la possibilité de faire adopter la réforme sous la forme d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui sera présenté le 26 septembre en Conseil des ministres puis débattu dans l’Hémicycle à partir du 20 octobre. Sans surprise, l’annonce a suscité de vives réactions de la part des syndicats, mais a aussi fracturé la majorité, très divisée sur la tactique à choisir.

«Ni vaciller, ni trembloter»? Cacophonie sur la méthode

L’une des principales attaques est venue de François Bayrou, d’habitude un fidèle soutien d’Emmanuel Macron : dans un entretien au Parisien donné le 17 septembre – jour de lancement du nouveau parti présidentiel Renaissance – le président du MoDem s’est dit «opposé au passage en force».

Selon lui, mener la réforme au pas de charge risque de «coaliser d’abord les oppositions entre elles, puis de diviser la société française». Présidant le Conseil national de la refondation (CNR) lancé le 8 septembre, François Bayrou n’a pas manqué de pointer la contradiction entre l’annonce du chef de l’Etat de mettre en place une «nouvelle méthode» basée sur la concertation pour son second mandat et une réforme qui tomberait «du sommet».

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Les propos du centriste ont créé des remous au sein de la majorité, tiraillée sur le sujet. Emmanuel Macron peut compter sur le soutien de Bruno Le Maire, partisan résolu de la réforme, ou celui de l’ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth. Ce dernier s’est exprimé dans Les Echos, estimant qu’il ne fallait «ni vaciller ni trembloter» sur les réformes en général et rejeté tout nouveau débat national : «Le risque du compromis permanent, c’est d’affaiblir les réformes», a-t-il lancé.

Par ailleurs, même si l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a assuré Elisabeth Borne du plein appui de son parti Horizons à la réforme, quel que soit le tempo retenu, le président du groupe Horizons à l’Assemblée Laurent Marcangeli s’est dit inquiet qu’une partie de la société française prenne la méthode évoquée par le président comme une «agression». D’autres membres de la majorité ont exprimé de sérieuses réserves, dont la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui aurait déclaré selon Le Parisien la semaine précédente, lors d’une réunion à l’Elysée : «Si on fait ça, tout le monde va hurler.»

Ajoutant à la confusion, Marlène Schiappa a fait savoir le 18 septembre sur France Info qu’«à ce stade il y a des pistes» et que «toutes les portes sont ouvertes», affirmant qu’«il n’y a pas eu d’annonce» sur la méthode de l’amendement.

Les syndicats refusent de se faire «marcher sur la gueule»

Les hésitations au sein du camp macroniste tiennent à la crainte de se trouver confrontés à un large front du refus, les formations de gauche ayant déjà annoncé qu’elles s’opposeraient fermement à la réforme. De la même manière, Marine Le Pen a annoncé que le Rassemblement national (RN) contesterait une réforme «inopportune, injuste et propre à susciter d’inutiles divisions», tout comme plusieurs représentants de la droite souverainiste, dont Florian Philippot ou Nicolas Dupont-Aignan, qui a dénoncé une «folie».

Outre les forces politiques, le gouvernement peut redouter une mobilisation syndicale d’ampleur, à l’image des manifestations et grèves de la fin 2019. Le secrétaire national de la CFDT, Laurent Berger, a d’ores et déjà annoncé le 18 septembre sur France Inter que la centrale réformiste «s’opposera par tous les moyens» à une réforme des retraites qui passerait par un amendement au PLFSS et n’hésiterait pas à quitter la table des discussions du CNR. Selon lui, le passage en force envisagé par Emmanuel Macron constituerait une «déloyauté» et reviendrait, après avoir appelé à faire barrage au RN en avril, à «marcher sur la gueule» des syndicats.  

De leur côté, la CFE-CGC et la CGT rejettent complètement ce projet de réforme des retraites et la seconde appelle à la mobilisation le 29 septembre, y ajoutant la question de la revalorisation des salaires.

Enfin, le Medef, plutôt partisan de la réforme et du principe d’un report de l’âge légal de départ à la retraite, n’a pas fait preuve d’un enthousiasme débordant sur le sujet. Le 12 septembre, sa porte-parole Dominique Carlac’h a ainsi estimé que «la principale urgence, c’est la réforme de l’assurance-chômage», en évoquant l’autre dossier susceptible de rallumer la contestation sociale et auquel le gouvernement se dit tout aussi fermement attaché.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt reçoit ce 19 septembre le patronat et les syndicats pour une «réunion de concertation» sur la question des retraites, «afin d’échanger sur les conclusions du Conseil d’orientation des retraites», qui a remis son rapport la semaine précédente.




La réforme des retraites, un non-sens ?


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